Rapport « Le changement climatique dans les Pyrénées, impacts, vulnérabilités et adaptation ».
Ce rapport publié en décembre 2018 est issu d’un travail coordonné par la Communauté de Travail des Pyrénées (CTP) dans le cadre de l’Observatoire pyrénéen du changement climatique (OPCC).
Il constitue une synthèse de la connaissance scientifique en matière de changement climatique sur l’ensemble de la « biorégion » pyrénéenne comprenant donc les versants français et espagnols.
Près d’une centaine de scientifiques ont été mobilisés, de manière à compléter les informations extraites de la bibliographie la plus aboutie sur le sujet et élaborer ce diagnostic préalable à la construction de la stratégie d’adaptation pyrénéenne au changement climatique.
La vulnérabilité sociale, économique et naturelle du territoire pyrénéen est ainsi abordée au travers d’une analyse de l’évolution du climat pyrénéen et de ses impacts biophysiques et socio-économiques. Cette analyse aboutit à l’identification des principaux enjeux que le territoire doit relever, notamment en termes de politiques et stratégies sectorielles d’adaptation au changement climatique.
Les effets du changement climatique sont particulièrement intenses dans les régions de montagnes telles que la chaîne pyrénéenne.
L’augmentation de la température moyenne annuelle y est en effet élevée (0,2°C par décennie entre 1949 et 2010) et prononcée en période estivale sur l’ensemble de la chaîne, sur ses versants nord comme sur ses versants sud. Elle s’accompagne d’une diminution des précipitations (-2,5 % par décennie entre 1949 et 2010), notamment en hiver et en été, malgré une forte variabilité interannuelle, baisse qui est en partie responsable de la réduction du manteau neigeux.
Or le scénario des décennies à venir est celui d’une intensification de ces tendances et de la variabilité climatique… : augmentation des températures maximales et minimales, variant selon les 4 scénarios du GIEC, le scénario le plus pessimiste (poursuite de la tendance actuelle de hausse des émissions de gaz à effet de serre) prévoyant d’ici 2050 une hausse des maximales de 2°C à 4°C par rapport à la période 1961-1990 et de 1,7°C à 3,3°C pour les minimales. Concernant l’épaisseur de neige, une diminution de moitié pourrait être observée d’ici 2050 à des altitudes de 1800 mètres…
Quant à la fin du 21ème siècle, l’amplitude des changements est encore plus importante….
Au niveau biologique, cela se traduit pour la faune et la flore de montagne par des altérations du cycle de vie des espèces, les dates de reproduction, migration, hibernation ou émergence des bourgeons se modifiant. Certains oiseaux migrateurs arrivent donc plus tôt sur leurs zones de reproduction, des espèces de papillons sont observées plus tôt dans l’année et la composition des communautés végétales se voit modifiée, les espèces ayant besoin de chaleur étant favorisées.
Ces modifications engendrent des décalages de calendrier, actuellement déjà observées, entre proies et prédateurs ou plantes et insectes, dont les effets peuvent porter atteinte au fonctionnement des écosystèmes, comme dans le cas des pollinisateurs…
Or la répartition spatiale des espèces ou leur abondance numérique peuvent aussi être affectées, les espèces inféodées aux milieux humides étant par exemple particulièrement vulnérables. Le déplacement d’espèces spécialistes et adaptées au froid en altitude vers des conditions écologiques favorables est par ailleurs limité, et réduit lorsque la connectivité entre milieux favorables est insuffisante. L’isolement géographique qui peut ainsi se voir augmenté accentue donc le risque d’extinction d’espèces déjà menacées…
Au-delà des espèces, l’état de santé d’écosystèmes comme les forêts pourrait se détériorer… La limite des forêts s’est en effet déplacée de 35m en moyenne dans les Pyrénées au cours des 50 dernières années et certains effets comme une surmortalité de branches et une augmentation de la perte de feuilles sont d’ores et déjà constatés et probablement liés à l’augmentation de la température. Or les forêts de montagne sont essentielles à la prévention et à la réduction de l’impact de phénomènes naturels liés à la montagne (crues, glissements de terrain et éboulis…).
La disponibilité de l’eau, du fait d’une réduction de l’apport annuel par les précipitations, constitue également un sujet d’inquiétude. Le cycle hydrologique continuerait à se modifier (augmentation des débits des cours d’eau en hiver, diminution en été et automne), impactant la qualité (composition chimique et biologique) et la quantité des eaux de surface et des eaux souterraines.
Au niveau naturel, la dynamique des milieux humides et des plans d’eau (lacs glaciaires en particulier) se verrait modifiée. Les tourbières, qui sont des puits de CO2 pourraient par exemple voir leur fonctionnement s’inverser et relarguer du CO2.
Au niveau socio-économique, les principaux impacts potentiels identifiés concernent :
– une réduction de l’attrait touristique, du fait de la diminution de la période d’enneigement et de la remontée en altitude de la limite basse du manteau neigeux ou encore du fait des modifications paysagères et de la disparition d’éléments caractéristiques comme les glaciers… Le prolongement de la saison estivale constitue cependant une opportunité, si le déplacement des destinations les plus attrayantes (du fait des températures) est anticipé.
– une augmentation des risques naturels (crues, éboulements, glissements de terrain)
– une incidence sur la productivité et la qualité des cultures et des pâtures comme sur l’état de santé du bétail
– une baisse de la capacité de production hydroélectrique et éolienne, accompagnée d’un décalage entre capacité de production et demande estivale croissante pour le refroidissement
En conclusion de ce rapport et des recommandations spécifiques à chaque thématique, les 10 principaux enjeux relevés sont les suivants :
- Préparer la population à faire face aux phénomènes climatiques extrêmes
- Augmenter la sécurité face aux risques naturels
- Accompagner les acteurs du territoire pour affronter la pénurie d’eau et les sécheresses
- Garantir la qualité des eaux superficielles et souterraines
- Maintenir l’attrait touristique des Pyrénées
- Faire face aux changements au niveau de la productivité et de la qualité des cultures et saisir les opportunités émergentes
- Prévoir des changements irréversibles du paysage
- Envisager l’éventuelle perte de biodiversité et les modifications des écosystèmes
- S’adapter aux déséquilibres entre l’offre et la demande énergétique
- Faire face à la plus grande propagation de maladies, de vermines et d’espèces envahissantes…
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